Heidi Sud


— installation



MATÉRIAUX/ Lambris sapin, papier peint
DIMENSIONS/ 240x160x120 cm
POUR/ Jardin Botanique Alpin de Meyrin
LIEU/ Meyrin, Genève
DATE/ 2018
CRÉDIT PHOTO/ ©Alban Kakulya, ©Djoon Leuenberger, ©collectifgalta
TEXTE/ Cyril Macq








Interprétation des hauts sommets, le jardin est conçu comme un tableau dans la disposition des essences végétales, une mise-en-scène à ciel ouvert, pour d’éventuels personnages, les visiteurs du jardin.

Le collectif Galta propose une toute autre représentation, avec un bel ouvrage, un peu enterré, couvert d’un joli papier peint. Discret, il cache un envers, une structure réalisée en pin des Alpes, élégamment garnie de baguettes moulurées. L’arrière permet au visiteur de s’allonger et contempler par la fenêtre la chèvrerie, un châtaignier malade bientôt abattu et donc le Sud qu’elle cadre. Mais les Alpes n’y sont plus visibles, remplacées par le viaduc du tramway qui a réduit le jardin dans sa partie inférieure, par les avions, par les pylônes électriques. Littéralement étranglé, le poumon de verdure subit l’avancement de l’urbanisation. Le contraste est fort si l’on aperçoit par la lucarne le visiteur se promenant paisiblement. La trouée fait front à la ville, crée le tableau d’un paysage en mouvement, du genre télévisuel. L’esthétique des Alpes est loin, remplacée par celle des mégapoles: le grand écart d’Heidi entre ville et alpage ? Ou notre schizophrénie contemporaine, emballée par la dynamique urbaine, et simultanément fascinée par les déserts, les parcs naturels, les jardins botaniques.



                 



Non loin de là, sur les crêtes du Jura, la ligne fortifiée de la Promenthouse – le fameux sentier des Toblerones – aligne une douzaine de caponnières, presque identiques à la sculpture du collectif Galta. Façonnée en bunker, avec le débattement pour le canon, la fenêtre en escalier pour éviter les balles, cette relecture « ludique » de l’architecture défensive convoque le passé de la Seconde Guerre mondiale et induit un rapprochement: l’origine, dans la guerre, de nos technologies et des bouleversements du paysage. Une nouvelle ère était née, faite d’efforts titanesques pour établir des communications rapides, contrôler les espaces par des réseaux. Mutiler notre environnement est devenu habitude. Pas de béton, aucune idée de camouflage mais un costume fait de lambris, celui de l’architecture locale. Les fleurs du papier peint, gentianes, rhododendrons, edelweiss, sont garantes d’authenticité, clin d’oeil au vernaculaire helvétique inventé dans la seconde moitié du XIXe siècle, le Heimatstil. En opposition, le nom militaire de Heidi Sud évoque la Grosse Bertha allemande, la Barbara du mur de l’Atlantique, la Katioucha soviétique, ou les codes secrets de la guerre qui a tristement aimé les prénoms féminins.











Défense pacifiste, la construction propose un cadrage non plus offensif mais réflexif. Le vieillissement naturel de cette fabrique, le pin noirci, le papier déchiré, parle d’un temps révolu et de l’aujourd’hui à repenser. Ambivalents, complexes, les objets produits par le collectif regardent l’environnement différemment. Nous sortons de la stricte contemplation du paysage admiré. Il s’agit de dériver le regard, de le rendre politique. Car oui, le paysage est assurément politique.


















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