Du Domaine


— actions et installations dans le paysage



MATÉRIAUX/ sapin brut, divers matériaux récupérés, prêtés et trouvés
DIMENSIONS/ 7,6km
POUR/ EASA (European Architecture Student Assembly)
LIEU/ Villars-sur-Ollon
DATE/ 07/2019
EN COLLABORATION AVEC/ Andrea Raos, Saloni Pandit, Ioulia Voulgari, Tunzala Aliyeva, Oana Popescu, Vera Bergstrom, Lucien Rahm, Batja Frech, Illaida Memis, Detti Kolossváry, Deborah Halonen, Daryna Lysytska, Gabriel Saez. Et Yann Salzmann.
CRÉDIT PHOTO/ ©collectifgalta




CHARETTE/

Avant de s’impliquer dans des projets spécifiques — dont l’enjeu principal restera la montée à l’alpage et donc la mobilité — nous avons opté pour un projet capable d’impliquer et de souder le groupe. C’est par l’arpentage commun du territoire que des liens se sont tissés, dans l’effort collectif que des affinités se sont construites. A partir d’une ancienne charrette, nous avons créé un lieu mobile destiné à parcourir les territoires alpins et ses sentiers. La charrette contient donc tout le nécessaire: table d’orientation, réserves de nourriture et de boisson, petit matériel d’écriture, de mesure et de bricolage: autant de « moyens à transporter » pour que chacun.e puisse rencontrer l’espace à travers le corps et le regard.























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ECHELLE/ une proposition de Ioulia Voulgari et Tunzala Aliyeva

Les limites qui structurent le paysages, en deçà de leur valeur représentationnelle, graphique et compositionnelle, sont présentes à même le terrain. Ses frontières à la fois entravent et enrichissent le parcours : un précipice est l’occasion d’un point de vue panoramique, les rives d’un torrent offrent la fraîcheur de ses eaux. Ces obstacles peuvent prendre de nombres formes et des proportions variables. Les gorges et les crêtes sont de l’ordre du sublime, démesurés et infranchissable sans infrastructures.

A l’échelle humaine, corporelle, les barrières établies pour structurer les champs et les pâturages imposent aussi un tracé pédestre: des ouvertures y sont aménagées selon une cartographie de randonnée et des codes graphiques précis sont établis. Ces sentiers sont balisés non seulement pour conduire le marcheur en sureté, mais aussi pour structurer le territoire selon des contraintes écologiques, économiques et politiques. C’est à ce genre de limites que le projet présenté s’adresse.

L’échelle est pensée pour être portée tout au long d’une marche. Elle peut être utilisée dans différents contextes pour franchir murs en pierre, fils barbelés, barrières électrifiées. Ainsi la traversée de contrées cultivées s’affranchit des sentiers battus, compose son propre parcours. Franchir ces obstacles, non plus par le regard mais par le mouvement et par la mise en place d’un dispositif spécifique – qui surpasse ou traverse – c’est aussi connecter les différentes parties d’un pays pour le constituer en paysage.















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CAMOUFLAGE/ une proposition de Oana Popescu et Vera Bergstrom

Le territoire suisse est criblé d’ouvrages militaires; entre 1939 et 1942, des centaines de fortins et d’immenses lignes fortifiées ont été édifiés; points et lignes stratégiques. Afin de tromper l’ennemi, la plupart de ces ouvrages tentent de ne faire qu’un avec l’environnement. (1)

De cette volonté militaire de faire corps avec l’environnement se dégage une véritable esthétique de la dissimulation, qui pourra même s’inverser pour devenir une marque identitaire – pensons au motif tricolore. (2) Le mimétisme humain des formes naturelles, à l’oeuvre chez de nombreuses espèces végétale et animale, nous montre bien qu’entre l’être percevant et l’être perçu, s’établit un dialogue des surfaces et des simulacres.

Le dispositif de camouflage est pensé à partir d’une toile végétale ajustable et transportable à la manière d’un brancard. La confection appelle, dans chaque environnement, une exploration locale et une nouvelle récolte destinée à imprégner la toile et se fondre dans le paysage, le devenir.

(1) voir par exemple le travail bien connu de Léo Fabrizio, Bunkers, 2004. (2) Hanna Rose Shell, Ni vu ni connu. Le camouflage au regard de l’objectif, 2014.



















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CARPET/ une proposition de Lucien Rahm et Batja Frech

Le projet se présente comme une grande couverture rectangulaire en feutre bleu. On l’installe dans le paysage et on y partage un moment convivial. C’est dans des poches situées sur sur son flanc qu’une fois repliée se trouve le nécessaire pour faire du thé : une série de verres et de sous-verres, une théière, une cuillère et du thé en vrac.

La couverture présente une spatialité lacunaire. Ce jeu entre le plein et le vide créer un territoire complexe et paradoxal où les vides sont remplis de « quelque chose », au contraire du tissu, où pourtant la matière est bien là. Au demeurant, le paysage instaure ce dialogue entre les pleins et les vides, entre une matière paysagère homogène et des éléments forts qui viennent la troubler. De la même manière qu’un archipel sur une étendue aquatique ou des nuages dans une étendue aérienne, il semble que ce soit l’élément englobant qui informe l’élément isolé, servant de référent neutre et valorisant la nature de « l’événement ».

C’est justement à partir de ces « événements paysagers » que l’étendue s’est trouée, en empruntant définitivement à un lieu donné ses accidents, ses spécificités : un rocher, une fleur, une bouse. Mais à chaque déplacement, à chaque nouvelle implantation de la couverture, des fragments aléatoires du terrain sont pris à parti, isolés et qualifiés; quels qu’ils soient, ces morceaux de pays apparaissent toujours comme un événement à regarder de près, à considérer.



















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MIROIR/ une proposition de Illaida Memis et Detti Kolossváry

La représentation du paysage – si cette formule n’est pas un pléonasme – peut être différée; la peinture ou la photographie, selon leur temporalités propres, en sont les parfait exemples.

Mais l’image peut aussi être immédiate. C’est ainsi que les phénomènes de réflexion participent souvent aux dispositifs de perception d’un site: les « Claude glass », prisées par la bourgeoisie anglaise lors de leur Grand Tour, permettaient de retrouver, à chaque coup d’oeil, l’atmosphère particulière des peintures de Claude Lorrain.

Les miroirs sont fixés au bout d’un bâton de marche orné sur le vif de motifs vernaculaires. Les reflets qu’ils produisent simultanément morcellent le paysage et le recomposent, rapprochant et imbriquant des fragments élémentaires, composant une sorte de cosmogonie alpine.















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CLOCHES/ une proposition de Deborah Halonen, Daryna Lysytska et Gabriel Saez.

La représentation du paysage est aussi applicable aux autres sens, non seulement par la captation sonore mais aussi par la reproduction fidèle ou non d’un ensemble de son culturellement signifiants. C’est du moins la proposition de nombreux anthropologues. Comme l’a montré Alain Corbin dans son ouvrage Les Cloches de la Terre (Paris, Albin Michel, 1994) ces éléments sonores, dont la portée s’étend sur l’ensemble des territoire, participe de son esthétique. Dans les pâturages suisses, les cloches sont omniprésentes.

En s’emparant de ces instruments, la proposition questionne notre rapport à la marche, à son rythme et à ses difficultés.











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